Une complainte est un chant sur un ton plaintif avec des harmoniques en mineur. Dans «Moi, Jean venu d’Igé», Jean fait l’évaluation de ce que fut sa vie dans laquelle bonheurs et réussites se sont entremêlés d’épreuves et de mauvais jours. Il fut trouvé mort un soir de juillet 1706, sur ses terres de la Canardière, son champ d’honneur.
1.
Moi, Jean venu d’Igé,
j’ai du cœur et des idées.
Avec mon oncle, suis arrivé
dans ce pays à défricher.
Mes bras frétillent à planter cognée,
mon cœur aspire à fonder foyer,
s’il vient une fille à marier.
La la la la la la la la
2.
D’la France sont arrivées,
au mois d’juin tout parfumé,
de belles filles à marier,
par les bateaux déjà ancrés.
Étaient orphelines, du Roi, point dotées,
pour la Compagnie, venaient travailler.
C’est Anne qui fut ma préférée.
La la la la la la la la
3.
Du temps pour s’fréquenter,
mois d’juillet, étions mariés,
devant notaire et puis curé,
devant amis et parenté.
Puis l’amenai sur la Grande Allée,
avec mon père, on a habité.
Un an après, Marie est née.
La la la la la la la la
4.
Une grand’ fertilité,
on a bientôt recommencé.
Il en vint douze à aimer,
douleurs, amours se sont mêlées.
Nos beaux enfants, tour à tour mariés,
autour de nous, se sont installés.
D’autres moururent à peine nés.
La la la la la la la la
5.
La première qui s’marie
de Pierre Lambert prend le pays.
Alors que Jean, le fils aîné,
de par la guerre, enseveli.
Heureusement, y avait eu enfants,
en ce pays qui en demandait tant.
Suzanne aussi fonda foyer,
avec le fils d’Michel Huppé.
6.
François marie Geneviève,
des Trefflé, assure relève.
Et leur vaillance récompensée,
les champs poussaient épis dorés.
Charles et Joseph, chacun leur métier,
couvreur de toits, maître-charpentier,
de leurs enfants, vous descendez.
La la la la la la la la
7.
Le jour qu’les cloches sonnèrent
sur les champs d’la Canardière,
ce fut une fête extraordinaire,
de notre famille, la dernière.
Jeanne-Françoise à Lemire, mariée,
beaucoup d’amis s’étaient rassemblés.
Et c’est après qu’Anne m’a quitté.
La la la la la la la la
8.
Les écrits notariés
auront d’quoi vous étonner.
Et vous mes descendants,
ayez pour moi bons sentiments.
En ce pays si démesuré,
faut être géants pour rester patients,
et de l’eau-de-vie pour s’r’monter.
La la la la la la la la
9.
N’ai rien de la sainteté
car d’autres en étaient chargés.
Avant d’mourir j’ai prié Dieu
que mes péchés soient pardonnés.
J’étais vaillant et j’avais du cœur
pour mes enfants, voulais le bonheur.
La mort m’a prise aux champs d’honneur!
La la la la la la la la
10.
Dernier de ma lignée
aussi de moi, vous héritez,
car si la vie vous est donnée,
il faut en être un charpentier.
Que ce pays qui fut d’abord mien,
il soit pour vous, plus beau monument
et la fierté d’être un Normand.
La la la la la la la la
Paroles et musique: Germaine Normand